L’opposant irréductible
Avocat, Juan Branco s’est fait connaître lors des discussions sur la loi HADOPI, à laquelle il était opposé. Politiquement engagé à gauche, il a été un temps proche des Verts puis de la France Insoumise (il a été l’un des avocats de Jean-Luc Mélenchon) avant de se signaler par son soutien au mouvement des gilets jaunes. Il a beaucoup fait parler de lui en « outant » sur twitter Gabriel Attal lors de sa nomination comme secrétaire d’Etat en révélant son Pacs avec un des conseillers de l’Elysée.
Contre Macron est paru initialement chez Divergences et est le premier de ses deux essais antimacroniens. Signalons que le second, Crépuscule, paru chez Au diable Vauvert, est devenue une des grosses ventes de l’année. Les éditions Plon le rééditent ici en poche.
Un ton outrancier
Contre Macron est plus qu’une critique de la politique d’Emmanuel Macron. Stigmatisant dans un style parfois pompeux la figure de l’actuel résident de l’Elysée, Branco stigmatise ses liens -avérés- avec des hommes comme Xavier Niel mais s’attache surtout à critiquer sa personne (enfin, si on peut dire, tellement il dénonce en lui le vide ou le néant). Il voit en lui non seulement un instrument de l’oligarchie mais aussi et surtout un autocrate narcissique, partagé entre l’ivresse de son pouvoir (le fameux moment « Jupiter ») et la faiblesse de sa position. Le verbe de Branco est tour à tour menaçant, violent, n’hésitant pas à comparer Macron à Mussolini (mais tremble donc moderne César, tu finiras comme Benito !). La conclusion est simple : peuple français, soulève-toi !
Violence pamphlétaire
On retrouve dans Branco la tradition bien française du pamphlet et de sa violence (songeons à Rochefort). On est frappés ici par la haine, car il n’y a pas d’autre mot, presque physique de l’auteur envers Macron. Au point qu’il sous-estime ici le poids de l’idéologie (comme Macron d’ailleurs). Osons les mots : le système actuel est néolibéral et Macron en est son instrument. Le néolibéralisme a gagné la bataille des idées à l’orée des années 80, à la fois contre le keynésianisme et le socialisme. Or la politique économique macronienne, accentuant des réformes initiées tant par Sarkozy qu’Hollande, est une adaptation de la France au modèle néolibéral. On pourrait presque dire que Macron, c’est Thatcher ! La haine de Branco l’aveugle et un appel aux armes ou au soulèvement (pour quoi faire ? Mais ramenez Lénine à la vie amis gauchistes !) ne remplacera pas une réflexion plus sereine et plus sérieuse. Sinon en 2022, Macron sera réélu triomphalement. On se passera donc de M.Branco et de ses appels à peine déguisés au lynchage.
Sylvain Bonnet
Juan Branco, Contre Macron, Plon “L’abeille”, octobre 2019, 140 pages, 5 €