Les deux pieds dans le journalisme et l’histoire
Spécialiste du monde du renseignement, Remi Kauffer a travaillé pour le Figaro Magazine et pour Historia. Avec Roger Faligot, il a donné une biographie du grand espion chinois Kang Sheng (Robert Laffont, 1987), une Histoire mondiale du renseignement (Robert Laffont, 1993). En solo, on lui doit plus récemment Les maitres de l’espionnage (Perrin, 2017) et Les hommes du président (Perrin, 2018). Il a choisi avec Les femmes de l’ombre de s’intéresser aux grandes espionnes.
Une longue histoire
On découvre rapidement que le phénomène ne remonte pas à Mata Hari. On doit à l’Angleterre la naissance du concept de « She-Intelligence », lors de la révolution des années 1640-1660. Mais on se sert des femmes et de leurs « atouts » (couchez, mesdames, pour l’honneur du Roi !) sans jamais leur donner de rôles d’autorité : pas de maître espionne. Chaque période de troubles voit donc des femmes jouer des rôles d’espionnes, par exemple sous la Révolution et l’Empire ou pendant la guerre de sécession.
Les changements du XXe siècle
Les deux guerres mondiales changent un peu la donne. A côté d’aventurières comme l’anglaise Gertrude Bell, on voit des femmes s’investir dans le renseignement et donc des réseaux en Belgique durant la Grande guerre. Le phénomène s’amplifie pendant la seconde guerre mondiale : c’est le moment où des figures comme Marie-Madeleine Fourcade s’affirment. Parallèlement, l’URSS s’avère moins « machiste » que les autres puissances et recrutent bien des agentes, comme par exemple Ethel Rosenberg aux Etats-Unis. On verra aussi l’est-allemand Markus Wolf créer un réseau d’espionnes, dont les amants sont agents de la Stasi, en Allemagne de l’ouest. Aujourd’hui, signe des temps, le métier s’est féminisé comme le montre la nomination de Gina Haspel à la tête de la CIA. Gageons qu’on n’a pas fini d’entendre parler de nos belles espionnes…
Sylvain Bonnet
Remi Kauffer, Les femmes de l’ombre, Perrin, novembre 2019, 450 pages, 25 €