De la Renaissance à la peinture d’histoire
On connait Didier Le Fur pour ses biographies magistrales d’Henri II (Tallandier, 2009), François Ier (Perrin, 2015) et Diane de Poitiers (Perrin, 2017) ainsi pour ses autres ouvrages qui ont profondément renouvelé l’historiographie de la Renaissance. Le voici qui nous offre un essai qui tient aussi du beau livre, Peindre l’Histoire, publié par Passés composés en novembre dernier. Après tout, rien que de très normal qu’un historien de la Renaissance se livre à un ouvrage sur la peinture, sa période de prédilection recelant de nombreux génies en la matière. On devine aussi l’ambition de (re)lire cette histoire de France via des tableaux peints au XIXe siècle, au moment de la construction du sentiment national.
Le défilé des images
Didier Le Fur a choisi dix personnages historiques : Vercingétorix, Clovis, Geneviève, Charlemagne, Saint Louis, Jeanne d’Arc, Henri IV et François Ier. On croise au fil de cet ouvrage de grandes signatures comme Ingres, Delacroix ou Fragonard. Se dessine en creux de cet ouvrage la volonté des gouvernements du XIXe siècle, soumis à une certaine instabilité politique (c’est un euphémisme) de réconcilier les français après les tourmentes révolutionnaires et les guerres de l’Empire autour de figures « consensuelles ». Certaines d’entre elles traversent le siècle en étant célébrées autant par les républicains que par les monarchistes : ainsi de Jeanne d’Arc mais aussi d’Henri IV, l’édit de Nantes n’étant pas oublié. Les représentations choisies ne correspondent pas toujours aux faits historiques : ainsi Charlemagne est barbu ; on se trompe aussi dans les armures. Reste que l’iconographie ainsi créée au XIXe siècle a contribué à enraciner un récit national dont nous sommes aujourd’hui encore tributaires. L’ouvrage est réussi, l’essai est pertinent.
Sylvain Bonnet
Didier Le Fur, Peindre l’histoire, Passés composés, novembre 2019, 175 pages, 29 €