Deuxième tome
Second volume du cycle d’ouvrages consacré par Jean-Yves Le Naour à la Grande guerre, 1915 : l’enlisement confirme déjà le talent de son auteur, sa verve aussi. Car on ne peut pas dire, cher lecteur, que le constat soit très brillant. En 1915, tout espoir d’une guerre courte s’écroule et surtout le conflit gagne en intensité.
Nouveaux théâtres d’opération
La guerre se généralise effectivement. L’entente réussit à faire entrer l’Italie de son côté, au prix de marchandages qui se paieront plus tard sur le tapis vert des négociations de paix. Les allemands réussissent quant à eux à rallier à leur camp la Bulgarie, dont l’entrée en guerre donne le coup de grâce à une Serbie qui, jusque-là, avait réussi à repousser les assauts autrichiens (rappelons que le conflit a éclaté dans les Balkans). Pour venir à bout de la Turquie, l’Entente lance la désastreuse opération des Dardanelles, cuisant échec dont Churchill mettra longtemps à se remettre. La Turquie, justement, échoue dans son assaut dans le Caucase contre les russes mais organise le premier génocide de l’histoire contre les arméniens.
L’incompétence d’un chef militaire
Les russes enchaînent défaite sur défaite, perdant Varsovie et Vilnius. Pour autant, ce n’est pas pour les soulager que Joffre lance des opérations en Artois et en Champagne, comme l’a longtemps déclaré une historiographie complaisante, dont l’argumentation est démontée pièce par pièce par Jean-Yves Le Naour. Joffre est à la recherche de la percée stratégique, sans vraiment réfléchir intellectuellement aux conséquences des progrès technologiques. Si la France réussit à mobiliser ses industries durant l’année, si la production d’obus et de fusils devient satisfaisante, perdre 320 000 hommes dans des offensives qui ne rapportent que quelques kilomètres carrés relève de l’inconscience, voire du crime. Cet ouvrage est une occasion de découvrir combien la Grande guerre était un massacre et aussi que Clemenceau avait raison : la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires !
Sylvain Bonnet
Jean-Yves Le Naour, 1915 : l’enlisement, Perrin, septembre 2017, 480 pages, 10 €