De Gaulle et les grands, les duels du grand homme

De la droite à de Gaulle 

Journaliste, Eric Branca s’est aussi fait connaître par des ouvrages très documentés comme Histoire secrète de la droite (Plon, 2008) et L’ami américain (Perrin, 2018) qui en ont fait au final un vulgarisateur de l’histoire plutôt doué. Il se propose ici avec de Gaulle et les grands de raconter les duels de l’homme du 18 juin avec des dirigeants du monde entier pendant et après la seconde guerre mondiale.

 

Des portraits très savoureux

 

Eric Branca a recours à différentes sources mais ne se prive pas de citer le général lui-même, à raison : ce dernier avait un art consommé du portrait. Le premier chapitre est consacré à Churchill et est extrêmement savoureux, même lorsqu’on a lu l’excellent ouvrage que François Kersaudy a consacré à leurs relations, marqué par des dialogues pittoresques entre ces deux sales caractères :

 

Churchill : « si vous m’obstaclerez, je vous détruirai ! »

De Gaulle : « libre à vous de vous déshonorer ! »

 

Avec Roosevelt, ce fut l’incompréhension totale, l’américain se payant même le luxe de soutenir Vichy et les vichystes pendant une bonne partie de la guerre au prétexte que de Gaulle, apprenti dictateur, n’était pas représentatif des français. Eric Branca a déjà raconté dans L’ami américain les aléas d’une relation transatlantique souvent marqué par la volonté américaine de domination. On le remercie donc de donner de Nixon un portrait tout en nuances, celui d’un admirateur de de Gaulle et de la France, prêt à laisser à un allié toute son indépendance.

 

Face aux dictateurs

 

S’il n’a pas rencontré Hitler, de Gaulle a cependant pu se mesurer à Staline. On rencontre ici une des limites du livre. De Gaulle a, avec le temps, de plus en plus minoré le facteur idéologique dans ses relations avec des régimes communistes, préférant voir la Russie derrière l’URR par exemple. La fin de l’histoire en 1989 ne lui a pas donné tort mais en 1944 ou 1958, l’idéologie était très prégnante. Il voit ainsi en Staline le successeur d’Ivan le terrible, ratant ainsi la spécificité de son pouvoir. Idem avec Mao, qu’il a failli rencontrer. Avec Staline, de Gaulle a dû lâcher du lest avec la reconnaissance du comité de Lublin en Pologne, au détriment du gouvernement en exil à Londres depuis 1939. Pouvait-il faire autrement ? Probablement pas et la realpolitik qu’il maniait avec maestria était a priori la seule solution. Mais en 1968, de Gaulle est surpris par la répression du printemps de Prague qui remet en cause sa politique de rapprochement avec l’Est. Un rappel de l’idéologie dont Branca ne parle pas. Attention cependant : ce livre est un plaisir et de Gaulle apparaît comme il était, c’est à dire un formidable acteur de l’histoire. A lire.

 

Sylvain Bonnet

 

Éric Branca, de Gaulle et les grands, Perrin, mars 2020, 432 pages, 23 €

About Sylvain Bonnet

Spécialiste en romans noirs et ouvrages d'Histoire, auteur de nouvelles et collaborateur de Boojum et ActuSF.