Un tandem rodé à l’étude du règne de Louis XIV
Ancien élève de l’école nationale des chartes, Thierry Sarmant est devenu un personnage incontournable de l’édition historique française. On lui doit Louis XIV, homme et roi (Tallandier, 2012) et aussi 1715 : la France et le monde (Perrin, 2015) ainsi qu’une récente biographie de Pierre le grand (Perrin, 2020). Il est aussi éditeur chez Belin où il dirige la collection « portraits historiques ». En tandem avec Mathieu Stoll, il a travaillé sur le gouvernement de Louis XIV et signé plusieurs ouvrages comme Le grand Colbert (Tallandier, 2019) et Régner et gouverner, Louis XIV et ses ministres, réédité l’année dernière par Perrin dans sa collection Tempus.
Un roi et ses ministres
Cet ouvrage permet de comprendre comment fonctionnait la machine gouvernementale sous Louis XIV. Si ce roi absolu n’a pas voulu après la mort de Mazarin avoir de premier ministre, il a dû cependant s’appuyer sur des hommes appuyés par leur famille et leurs réseaux de clientèle –ceci est très important. Ainsi la période 1661-1690 voit le roi gouverner avec des ministres issus de deux familles, les Le Tellier et les Colbert. Autre enseignement : le découpage des départements ministériels échappe en partie à la rationalisation : Colbert dirige les finances, la maison du roi et la marine (que son fils Seignelay récupèrera), Louvois la guerre tout en cherchant à rogner le département de la marine… enfin, si ces hommes sont puissants, ils dépendent entièrement de la faveur royale et le monarque le leur rappelle au besoin : Fouquet est l’exemple à ne pas suivre.
Naissance d’une monarchie bureaucratique
Sarmant et Stoll estiment que l’état de Louis XIV n’est pas encore une machine bureaucratique telle qu’autrefois décrite par Max Weber mais elle en a certains traits. Surtout qu’après 1690 et la disparition des ministres du début (qui se sont littéralement tués à la tâche), Louis XIV nomme des personnalités moins brillantes tout en conservant certains de leurs enfants ou cousins (par exemple le neveu de Colbert, Torcy, aux affaires étrangères, le fils de Louvois, Barbézieux, à la guerre). On voit des bureaux apparaître à Versailles au grand dam de certains nobles. En tout cas, les ministres et les ministères sont désormais enracinés et ce n’est pas l’expérience des conseils de la polysynodie qui inversera cette évolution. Excellente synthèse qui fait date dans l’étude du siècle de Louis XIV.
Sylvain Bonnet
Thierry Sarmant & Mathieu Stoll, Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres, Perrin « Tempus », mai 2019, 896 pages, 12,50 €