A la recherche des hommes et des femmes de l’ombre
Professeur d’histoire moderne à l’université de Rennes 2, Cédric Michon a écrit sur le XVIe siècle, plus particulièrement sur l’histoire politique de la Renaissance. On lui doit Les conseillers de François Ier (Presses universitaires de Rennes, 2011), La crosse et le sceptre (Tallandier, 2008) et une biographie du roi de France de l’époque, François Ier, Un roi entre deux mondes (Belin, 2018). Il publie ces jours-ci chez Passés composés Dans la cour des lions, une occasion de revenir sur l’entourage des souverains de la Renaissance. Clairement, il s’agit d’un ouvrage qui s’inscrit dans la continuité de ses recherches sur les entourages royaux et leur influence.
Des entourages légendaires
Cédric Michon s’intéresse donc à ces personnes qui entourent les souverains de France, d’Espagne, d’Angleterre et le Turquie ottomane (diantre !). Avec ce livre, on voit que les souverains choisissent conseillers, ministres voire maîtresses et épouses (Ah Roxelane !) … comme paratonnerre. Thomas Wolsey en Angleterre, Louise de Savoie en France protègent leurs souverains respectifs de l’impopularité et aussi d’eux-mêmes : c’est Louise qui sauve le règne de son fils en concluant le traité de Cambrai, la fameuse « paix des dames », qui permet à François Ier de sauver l’essentiel après la défaite de Pavie et sa captivité. En Turquie, Ibrahim Pasa attire sur lui les faveurs et concentre les haines : un bon fusible pour Soliman le magnifique qui le fera exécuter. Anne de Montmorency joue le même rôle à l’égard de François Ier et sera exilé (les rois de France sont moins brutaux) en 1540… pour finalement revenir en grâce sous le règne de son fils Henri II.
De l’art des souverains de se protéger
On voit aussi le parcours de roturiers qui s’imposent dans l’entourage des rois, rabaissant l’influence de puissantes familles nobles. Ainsi de Thomas Cromwell, secrétaire d’Henry VIII, qui réussit à survivre à son mentor Wolsey et à piloter la politique du royaume jusqu’en 1540, y compris sur le plan religieux. Il en est de même pour Ibrahim Pasa (un ancien esclave !).
Les rois se servent donc des membres de leur entourage pour piloter leurs États. Cela inclut des maîtresses comme Anne Boleyn qui joue un rôle dans la rupture religieuse avec Rome et le catholicisme car elle avait été proche de l’évangélisme d’Érasme durant ses jeunes années. En terminant ce livre, on prend conscience à quel point les entourages sont instrumentalisés par les souverains. Leurs membres servent de boucs émissaires en cas de crise… Saluons le travail de Cédric Michon qui renouvelle nos perspectives sur la période.
Sylvain Bonnet
Cédric Michon, Dans la cour des Lions, Passés composés, octobre 2020, 320 pages, 23 €