Rushes Hour
Après la mort de Superman, tombé lors du combat contre Doomsday, Bruce Wayne alias Batman s’empresse de recruter d’autres héros avec l’aide de Wonder Woman. Cette assemblée de justiciers va très vite devoir se confronter à une antique menace venue d’outre-monde à même de réduire la planète en cendres. Tâche d’autant plus délicate quand ils doivent également faire face à leurs propres démons intérieurs.
Quatre ans après la sortie de la mouture estampillée Joss Whedon en salles, Justice League revient sur les écrans entièrement remonté via les shots d’origine de Zack Snyder, qui avait abandonné le projet suite à une tragédie familiale. Ces dernières années, la rumeur d’une autre version du film enfla et incita les fans à faire pression sur Warner afin que le studio daigne la présenter au public. Si les versions tronquées de certains long-métrages, y compris récents (on se souvient pèle mêle de Dune de David Lynch, Windtalkers de John Woo ou encore du 13ème guerrier de John Mac Tiernan) ont empli d’amertume leurs auteurs, elles ne doivent point faire oublier la nécessité du montage, le choix pertinent de retoucher et de couper les rushes afin d’obtenir un résultat cohérent. Pour cette nouvelle version du film, on évoque l’allocation d’un budget de soixante-dix millions de dollars pour rendre une copie somme toute définitive, afin de mettre en exergue un filtre clair obscur somme toute seul véritable ajout à la mise en scène bien pauvre de Zack Snyder déjà présente dans la variation sortie en 2017.
Au lieu de s’extasier devant quelques rushes ajoutés pour un résultat informe, il aurait mieux valu s’interroger sur les multiples rendez-vous ratés de DC avec le cinéma ces vingt dernières années, hormis bien sûr le travail de Christopher Nolan. A chaque fois, chaque cinéaste, Singer, Snyder ou Ayer a eu les clés en main pour perpétrer l’héritage de Donner. A chaque fois ils ont échoué alors qu’au travers de quelques scènes ou plans furtifs, une idée forte émergeait pour finir dans l’oubli. L’évocation de l’article A world without Superman dans Superman Returns, l’interrogation sur l’avenir du monde sans l’homme d’acier dans le prélude de Suicide Squad et l’interview toujours du kryptonien par des adolescents dans Justice League s’inscrivent comme des points d’ancrage audacieux jamais utilisés par la suite à bon escient par leurs réalisateurs respectifs.
Cette fameuse interview d’ailleurs, rare bonne idée de l’opus d’origine passe immédiatement à la trappe au profit d’une introduction pétaradante dépourvue de la moindre finesse. Dès les premières secondes, Snyder use et abuse de son style agaçant, de cette propension à s’appuyer sur des ralentis et des gros plans ostentatoires près du corps pour augmenter artificiellement l’intensité dramatique de l’action. Une manière grotesque de surligner son propos. Le passage à un filtre clair obscur évoqué un peu plus tôt afin d’assombrir la photo incarne une métaphore peu subtile, celle d’une terre privée de sa lumière à la mort du dieu solaire.
Si la durée du film a bel et bien doublé, ce n’est que pour mettre en avant soit des ajouts relativement inutiles et redondants (oui le cut à la base sert à éviter ce genre de désagréments), soit pour agrémenter l’ensemble de scènes à priori intéressantes mais pêchant tellement dans la mise en scène qu’elles peinent à convaincre. Certes, la démarche du metteur en scène de mieux exposer le passé et les relations des protagonistes avec leur environnement s’avère louable. Mais il devient très vite incapable de tenir son pari, faute d’un talent manifeste. La scène de retrouvailles entre Clark et sa mère témoignent furieusement des lacunes du réalisateur. Le connaisseur se souvient alors avec mélancolie des adieux déchirants entre Clark et Martha dans le Superman estampillé Donner. Lorsque l’on compare les deux scènes la différence de maîtrise affichée stupéfait.
Si critiquer le reshoot de Whedon relevait du bon sens analytique, il ne fallait point enlever à ce dernier sa capacité à faire exister une unité chorale par le passé comme dans le premier Avengers ou Buffy contre les vampires. Ici, Snyder ne possède pas le savoir-faire efficace de son homologue et s’empêtre dans des dialogues encore plus insipides que ceux existant dans la première mouture du long-métrage. Comme auparavant, seuls Jeremy Irons et Amy Adams tirent leur épingle du jeu au sein d’un casting certes photogénique mais pas forcément à l’aise dans leur interprétation. Ne reste que pour sauver le long-métrage du naufrage total que quelques clins d’œil appuyés aux initiés via des caméos et une scène cauchemardesque dans la lignée de celle de Batman Vs Superman.
Beaucoup reprochent souvent à raison le formatage des adaptations Marvel via Disney. Pour celles consacrées à Dc Comics, point besoin de pointer un quelconque formatage au vu du vide abyssal qui en résulte. L’éloge d’une prétendue noirceur, toute illusoire car trop illustrative ne serait voiler la vraie nature fallacieuse de ce Zack Snyder’s Justice League. En prétendant apporter un vent de fraîcheur par le biais de ce nouveau montage, Snyder échoue dans cette vaine tentative de transformer un mulet en cheval de course…Une déception au regard de la qualité de la série d’animation signée Bruce Timm et des dernières adaptations toujours animées portées sur les aventures de Superman et ses alliés.
Film américain de Zack Snyder avec Ben Affleck, Henri Cavill, Gal Gadot. Durée 4h02. Sortie le 18 mars 2021 en Vod.