Wonder Woman 84

La déconstruction des zéros

Héroïne tapie dans l’ombre, Diana désormais loin de l’île des Amazones, allie de front des recherches archéologiques tout en revêtant secrètement son alter-égo surhumain. La découverte d’un puissant artefact va bientôt menacer non seulement l’équilibre de la planète mais aussi ébranler profondément ses convictions.

Après un premier volet consacré à ses aventures bien médiocre de sinistre mémoire, la célèbre amazone revient sur les écrans toujours interprétée par Gal Gadot et dirigée par la réalisatrice Patty Jenkins. Cette dernière, auréolée par le passé grâce au succès de Monster (film surtout porté par Charlize Theron mais en aucun cas par la mise en scène de la cinéaste) s’évertue de projeter ses ambitions à travers la franchise de super-héroïne sans malheureusement en porter l’étoffe. Le précédent opus voulait rivaliser avec le Captain America first avenger sans parvenir à se hisser au niveau du film de Joe Johnston. Avec Wonder Woman 84, Patty Jenkins lorgne vers le principe de la déconstruction héroïque chère à Richard Donner et à Sam Raimi, s’appuyant sur le célèbre récit de la chute de Faust.

Cette volonté, certes louable, de s’inscrire dans la lignée de ses aînés se heurte très rapidement au mur de la réalité. Sans évoquer le manque de cohérence lié au matériau d’origine, force est de constater néanmoins les limites rapidement affichées par la cinéaste, comparaison à l’appui. Pour conter la folle tentation de Diana, celle de renoncer à son devoir, Patty Jenkins ancre la leçon de vie à venir au cours d’une scène d’exposition bien terne, sous forme de flash back. Le spectateur plonge alors une fois encore durant l’enfance de l’amazone tandis que Patty Jenkins annonce la morale à venir sous la forme d’un sermon originel. Une posture d’emblée bien maladroite afin d’adopter sa démarche en cours. L’initié et cinéphile averti se remémore alors de l’amorce employée par Sam Raimi dans son Spider-Man 2 avec un but similaire. Les dix premières minutes du long-métrage surpassent en tout point celles de Wonder Woman 84. En lieu et place d’une enfant réprimée par son aînée, car désireuse d’emprunter la mauvaise voie pour un profit personnel, Sam Raimi faisait montre d’une véritable ingéniosité en liant toutes les incertitudes de son héros par l’image, le malmenant adroitement, semant les graines du doute qui le mèneront à une retraite temporaire. Là où Sam Raimi multipliait les démonstrations implicites de son savoir-faire (comme lorsque Peter Parker avoue sa double identité à un correspondant fantôme dans une cabine téléphonique), Patty Jenkins quant à elle use de maladresse (comme lorsque Diana contemple un avion de ligne dans le ciel lui rappelant Steve Trevor, son amour de pilote).

Le film souffre des mêmes défauts au moment de la perte des capacités de notre héroïne ou dans le traitement de son antagoniste jumelle. Il s’avère évident que la cinéaste peine à combler ses lacunes créatives, incapable de la moindre once d’imagination au moment de concrétiser son projet. Elle se contente du minimum syndical, copiant sans succès l’essence de ses aînés sans capter leur puissance formelle. Intervient alors le véritable pilier de ce Wonder Woman 84, à même de traiter ce fameux travail de déconstruction, à savoir le souffle mélodramatique qui sublimait les œuvres de Richard Donner et de Sam Raimi. A force de trop en faire (à défaut de vouloir bien faire), Patty Jenkins rend une copie d’une mièvrerie affligeante, incapable de la moindre retenue à même de toucher le spectateur. Sans demander à la réalisatrice de se hisser au niveau des Naruse, Sirk, Haynes, Gray et consorts, il aurait été tout de même préférable de faire preuve de la même subtilité que dans les autres films de super-héros cités plus haut qui lui ont servi de repère. Malheureusement, le film ne parvient jamais à décoller, pis encore, il s’écrase dans une tentative désespérée de final anti climatique encore une fois non maîtrisé. En outre, aucun acteur ne tire son épingle d’un mauvais jeu hasardeux, cabotinant tous à l’extrême, à commencer par Gal Gadot elle-même, sans évoquer la prestation piteuse et agaçante de Pedro Pascal.

Exemple typique du film malade et boursouflé, Wonder Woman 84 sans égaler l’idiotie caractéristique des plus mauvais blockbusters, ne convainc en revanche jamais tout en se complaisant dans un syndrome de supériorité affligeante. Incapable d’élever le niveau de sa mise en scène, Patty Jenkins échoue dans sa quête de l’émotion par le spectacle.

Film américain de Patty Jenkins avec Gal Gadot, Chris Pine, Kristen Wiig. Durée 2h31. Sortie le 31 mars 2021 en Vod.

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture