Quand le journaliste se fait historien
Drôle d’ouvrage que La France contre le monarque ! Alphée Roche-Noël est journaliste, engagé à gauche et a déjà publié Géographie de l’histoire de France (Cerf, 2019) et Marx rapatrié (Cerf, 2020). Il propose ici de relire l’histoire de France avec un fil rouge : la nation française n’a pas été bâtie par l’État et les Rois de France mais contre eux.
Une relecture roborative…
L’auteur nous brosse alors avec talent et un brio indéniable un tableau où nous retrouvons un peuple, appelé ici « commun », luttant afin de sauvegarder ses libertés, puis de les conquérir (ici, c’est un peu flou) face au Roi, appelé « l’un », symbole d’autorité. On voit ainsi Etienne Marcel, les croquants, les huguenots (mais aussi la Ligue), les frondeurs du parlement (ceux de la noblesse sont moins bien notés) défiler dans cet ouvrage avec toujours un leitmotiv : toujours lutter contre le pouvoir d’un seul (y compris quand il est entouré de ses ministres). On trouve peu d’erreurs, les faits sont bien restitués et la charge de l’auteur contre la grande machine de « l’Un » est forte.
… et partiale
La charge est aussi un peu lourde. On sent qu’Alpha Roche-Noël en a contre le fameux roman national, les quarante rois qui ont fait la France, etc…Il ne doit pas ignorer pourtant que l’historiographie s’est depuis longtemps détachée de ces lieux communs. Médiévistes et modernistes proposent des visions nuancées de leurs périodes et des rapports entre le pouvoir royal et la société. Certains ont souligné à raison que certains pamphlets publiés au temps des guerres de religion annoncent des thèmes de la Révolution. Attention cependant aux anachronismes : en lisant cet ouvrage, on a l’impression d’un Louis XIV gouvernant avec la main d’un Staline une société française pétrifiée : ce n’était pas le cas. L’auteur aurait dû aussi faire plus appel aux historiens des mentalités afin de comprendre combien monarchie et catholicisme s’articulaient. Il y eut toujours des révoltes mais, pour reprendre des concepts marxistes, la « superstructure » de la société d’ordre expliquait la structure de la société de l’époque.
Pour conclure
L’auteur termine sur une charge contre la Ve République. C’est attendu, surtout dans le contexte du moment à gauche. Il passe complètement sur les errements de la IIIe République (dans les années 30) et à ses blocages institutionnels, idem pour la IVe. Seul compte le combat du « commun » contre « l’un » : dommage.
Sylvain Bonnet
Alphée Roche-Noël, La France contre le monarque, passés composés, mars 2022, 288 pages, 22