Il était une fois l’animation selon Albert Barillé
Retour sur le film d’animation qui a conclu la série d’Albert Barillé, Il était une fois l’espace.
De retour de mission, Pierrot, Psy et Metro sont confrontés à une gigantesque armada spatiale. Dans l’incapacité de communiquer avec la fédération, ils échouent sur une planète isolée et hostile. Le compte à rebours est alors lancé, car la survie de l’humanité et de l’univers va reposer sur leurs épaules.
Tandis que l’animation nipponne continuait de percer en France, via Candy et Goldorak, au début des années 80, deux irréductibles Gaulois allaient encore et toujours résister à une culture jugée, à tort, envahissante et stérile. Mais dans leur combat, ils allaient surtout profondément marquer l’histoire de l’animation à la française. Le premier est Jean Chalopin, à qui l’on doit Les mystérieuses cités d’or et qui s’exilera par la suite aux États-Unis. Le second, le regretté Albert Barillé, allait accoucher de plusieurs séries d’animation à vocation pédagogique (Il était une fois l’homme, Il était une fois la vie), mais aussi d’une formidable saga de space opéra Il était une fois l’espace.

Avec 26 épisodes au compteur, Il était une fois l’espace pouvait déjà paraître pour l’époque, trop court pour développer les nombreuses thématiques chères à son réalisateur et circonvenir à ses ambitions. Heureusement, Albert Barillé eut la bonne idée de conclure son œuvre par un long-métrage et obtint par la même occasion les crédits afin de concrétiser son rêve. Et malgré certains aspects techniques désormais datés, La revanche des humanoïdes peut être considéré comme un film culte aujourd’hui.
Après un générique, porté par le célèbre score de Michel Legrand et quelques moments clés de la série brièvement évoqués, Albert Barillé entre dans le vif du sujet. À l’image de 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, La revanche des humanoïdes parle de fin du monde ou plutôt d’un monde, dans l’attente d’une renaissance hypothétique et d’un passage à l’âge adulte. En effet, La revanche des humanoïdes ne déroge pas aux principes initiatiques de l’œuvre d’Albert Barillé.

Initiation philosophique
L’humanité, encore au stade de l’adolescence, doit apprendre, grandir pour atteindre une plénitude a priori inaccessible. Enfants gâtés, en colère contre leurs géniteurs, les humanoïdes n’incarnent pas des frondeurs à un système inique, mais plutôt de véritables despotes désirant priver toute espèce de leur propre individualité. En 1982, Albert Barillé mettait déjà en garde face à une déshumanisation galopante et préconisait un retour aux sources de la sagesse.
Très attaché à son discours écologique et philosophique, le réalisateur s’était d’ailleurs engagé dans un combat de tous les instants contre l’industrie d’animation japonaise qu’il jugeait, à tort, débilitante. Ainsi, Goldorak qu’il aimait tant critiquer, recelait en son sein, un propos écologique similaire. Il est donc un peu dommage, qu’il n’ait pas regardé du côté du pays du soleil levant pour affiner ses techniques d’animation, il faut le dire vieillissantes.

Mais qu’importe cette technique puisque la force d’évocation et la mise en scène du cinéaste s’affranchissent de cette limite. La première partie du film, tourné comme un western rétro futuriste, impressionne. De surcroît, Albert Barillé fait preuve d’une réelle inventivité quand il retranscrit à l’écran, l’affrontement mental entre Psy et le champion d’un gouvernement fasciste. Le long-métrage devient alors un assemblage d’idées brillantes et gagne en intensité. Le récit initiatique se transforme en épopée d’une formidable élégance, malgré quelques élans sirupeux qui desservent la tonalité de l’ensemble.
Jamais condescendant avec son sujet et encore moins avec le public, Albert Barillé délivre une grande fresque de space opera, très éloigné par moments des standards en vigueur même s’il n’oublie pas les fondamentaux spectaculaires du premier Star Wars, mètre étalon à l’époque. Si ce film d’animation fleure bon la nostalgie, son message prophétique doit plus que jamais être écouté par les générations actuelles et à venir.
Film d’animation français d’Albert Barillé . Durée 1h39. 1983. Disponible le 22 novembre 2022 en DVD/Blu-ray aux Editions Carlotta