Pourquoi les traitres de toutes les époques, de Judas à Bazaine, fascinent-ils tant ? Cet ouvrage collectif paru chez Passés composés essaie d’y répondre.
Des traîtres royaux…
Dans cette vaste galerie, on discerne d’abord les traîtres de la famille. Par exemple, le connétable de Bourbon, proche parent de François Ier, qui trahit son roi, s’estimant mal traité. Sa figure est ici analysée par Didier Le Fur, qui le compare au premier prince de Condé, converti au protestantisme, chef d’une faction et tué en 1569 par un partisan de Charles IX. Le chevalier de Rohan au XVIIe siècle se rattache à ce type de traîtres. Le grand Condé, vainqueur des Espagnols à Rocroi, renoue aussi avec cette tradition lors des évènements de la Fronde en ralliant l’Espagne. Louis XIV finira par le pardonner.
Aux traîtres à la nation
Avec l’ère des révolutions et l’épanouissement des nations, l’infamie change de nature, devient encore plus difficile à supporter. Prenons l’exemple de Benedict Arnold, général américain plein de talent mais qui s’estime maltraité par le Congrès et en rivalité avec George Washington, analysé ici par Raphaël Lahlou : il trahit la cause américaine et rejoint l’Angleterre. Jamais il ne sera pardonné et il mourra loin de son pays à Londres. Prenons ensuite les généraux de la Révolution, suspectés constamment de trahison comme le montre Patrice Gueniffey, parfois à raison quand on prend le cas de Dumouriez. Et puis il y a Bazaine, le « traître » de Metz. Techniquement, il n’a pas trahi mais capitulé en se faisant manœuvrer par Bismarck (Bazaine n’était pas très intelligent) mais on l’accuse la guerre finie d’intelligence avec l’ennemi : il est condamné à mort, comme plus tard le norvégien Quisling, vrai traître cette fois.
Un ouvrage passionnant sur les « Judas » de l’histoire.
Sylvain Bonnet
Franck Favier & Vincent Haegle (sous la direction de), Traîtres, Passés composés, février 2023, 272 pages, 22 euros
