The Son

Après The Father, Florian Zeller propose un nouveau drame familial avec The Son, adapté de sa pièce éponyme.

 

Adolescence en péril

Homme de théâtre à l’origine, Florian Zeller se plaît désormais à transposer sur grand écran ses différentes pièces. Après avoir présenté le calvaire mental d’Anthony Hopkins en proie à la maladie d’Alzheimer dans le très surestimé The Father, il revient au cinéma avec son adaptation de The Son, œuvre séminale qui décrit une tragédie familiale contemporaine et met en exergue les troubles de l’adolescence. Souvent le malaise vécu durant cette période délicate engendre drames et situations conflictuelles. Et ce, quel que soit l’environnement, la position sociale ou les facilités financières. Rien n’empêche à des jeunes gens d’éprouver des difficultés à évoluer dans une société dans laquelle ils ne se reconnaissent pas ou plus.

Florian Zeller nous invite donc à suivre le quotidien de Nicholas à travers le regard inquiet de ses parents séparés depuis quelques années, Peter et Kate. Ces derniers ne savent pas comment gérer la souffrance de leur fils et sont incapables d’en déterminer la ou les causes exactes. Ainsi, tout comme pour The Father, Florian Zeller place ses protagonistes dans une impasse, un étau dans lequel ils ne parviennent pas à s’extirper.

L’impasse

À partir de cette situation et de ce postulat fort classique, Florian Zeller pose alors les bases de son dispositif, une nouvelle fois fort ostentatoire comme pour son précédent long-métrage. Pour le meilleur et surtout, malheureusement pour le pire. En effet, le cinéaste atteint son objectif uniquement par intermittences en instillant le doute, en entretenant le mystère sur les raisons de l’état dépressif de Nicholas. Les mensonges, les non-dits et les silences se multiplient dans cet appartement feutré pour souligner l’incompréhension et l’impuissance de ces parents face à la condition intenable de leur enfant. Sans aucun doute l’aspect le mieux maîtrisé du film.

Ce, contrairement à sa volonté d’intensifier la charge émotionnelle de son entreprise via les compositions de son casting international. Car, force est de constater que les prestations varient selon les acteurs, Hugh Jackman cabotine sans cesse tandis que Zen McGrath, l’interprète de Nicholas agace par moments. Résultat, un certain déséquilibre s’installe en dépit de la bonne volonté de Vanessa Kirby et de Laura Dern ou de la direction de Florian Zeller (qui s’était parfaitement accordé d’ailleurs à la performance d’Anthony Hopkins dans The Father). Malgré son savoir-faire hérité sur les planches, le metteur en scène ne parvient jamais à retirer le meilleur de l’ensemble de ses comédiens (n’est pas Joseph Mankiewicz qui veut). On commence dès lors à s’attarder sur les failles de The Son et sur la supercherie en cours.

 

Limites formelles

Malgré tous ses défauts (et ils étaient plus nombreux que ce que l’on croit), The Father entretenait au moins efficacement le sceau du secret. Si nulle subtilité ne traversait son ensemble tapageur, le long-métrage pouvait tout de même compter sur Anthony Hopkins pour sauver la face. Hélas, en plus de répéter les écueils de The Son, Florian Zeller se saborde au fur et à mesure qu’il illustre avec maladresse les errances des uns et des autres, les angoisses de ses protagonistes, affichant ses limites. Il faut avouer que la litote ne fait pas partie visiblement de la palette formelle du metteur en scène. Ce dernier, trop occupé à vouloir montrer qu’il est un auteur, ne saisit pas le potentiel et les enjeux de son script et enchaîne les stéréotypes.

On peut citer notamment ce dialogue au cours duquel Vanessa Kirby évoque le sommeil du juste de son compagnon auprès de son beau-fils. Ensuite, tel un bulldozer, Florian Zeller dévoile un Hugh Jackman, frappé d’insomnie, préoccupé par l’état de Nicholas. Les séquences dénuées de la moindre finesse se focalisent très souvent sur ce point, quand elles ne s’axent pas sur les interrogations du père (souvenirs de vacances idylliques à l’appui). Par ailleurs, le réalisateur omet les leçons élémentaires de hors champ, champ contrechamps durant la conversation à bâton rompu entre Hugh Jackman et Vanessa Kirby. Quant à la conclusion teintée d’onirisme, elle n’égale pas la poésie de celle de Seule sur la plage la nuit (certes style différent, mais approche identique).

 

En dépit de toutes ses bonnes intentions (oui oui, elles existent), Florian Zeller n’arrive jamais à développer son propos avec la retenue nécessaire et s’enfonce dans un abîme loin d’être engageant. Pire encore, même pas sauvé par le montage tapageur de The Father, The Son rappelle certains essais pas bien reluisants de Xavier Dolan. À oublier très vite.

Film franco-américain de Florian Zeller avec Hugh Jackma, Zen McGrath, Vanessa Kirby, Laura dern, Anthony Hopkins. Durée 2h04. Sortie le 1er mars 2023

 

About François Verstraete

François VERSTRAETE, cinéphile et grand amateur de pop culture